Edito
J’ai rencontré Serge Terwagne en 1988 alors que je commençais à travailler sur les approches de l’enseignement de la lecture, à l’Université de Liège (Belgique). À l’époque, notre questionnement tournait autour du débat sur les méthodes de lecture: fallait-il privilégier le code ou le sens ? Nous nous interrogions également sur la manière d’introduire une approche constructiviste dans l’enseignement de la lecture / écriture. Serge m’impressionnait par son rire tonitruant mais aussi par son ouverture d’esprit. Il pouvait se laisser surprendre par un raisonnement un peu différent, une approche moins orthodoxe. Il m’a soutenue lorsque j’ai introduit dans le service de recherche une réflexion sur les conceptions enfantines de la langue écrite induite par les travaux d’Emilia Ferreiro. Avec l’équipe de l’époque, nous avons animé des groupes d’enseignants désireux de tenter de nouvelles pratiques d’enseignement et cette collaboration a abouti en 1992 à une vidéo intitulée « Au pied de la lettre », utilisée toujours aujourd’hui dans la formation des enseignants. Ensuite, nos chemins professionnels se sont séparés. Serge a continué sa réflexion, ainsi que la production d’outils pédagogiques pour l’apprentissage de la langue, au niveau primaire et au niveau préscolaire.En 2004, Serge m’a proposé de le rejoindre à l’ABLF, qu’il avait créée en 2001. Du point de vue méthodologique, il avait dépassé la question du code et du sens et l’affirmait haut et fort, notamment dans deux articles intitulés « Éloge de l’éclectisme » et « Apprendre à lire : la réconciliation du son, de la lettre et du sens ». Il commençait à davantage s’intéresser aux aspects politiques de l’enseignement de la lecture / écriture, ainsi qu’en témoigne un autre article signé « La guerre de la lecture : les années Bush ». Sa préoccupation portait aussi sur la façon de tisser les liens entre chercheurs et praticiens, deux mondes trop souvent éloignés que les conférences et la revue Caractères tentaient de rapprocher. Les contraintes des uns et des autres ont mené Serge à initier la publication d’une seconde revue Lettrure dédiée aux chercheurs, réservant Caractères pour des articles de praticiens. Entre 2001 et 2011, Serge s’est progressivement investi dans les rencontres internationales organisées par l’IRA et a été très actif au moment de la création de la FELA, ainsi qu’au moment de l’organisation de la 17e Conférence européenne sur la lecture à Mons.Ce bulletin de rentrée fait largement écho à la Conférence européenne, en mettant l’accent sur ses dimensions plus politiques. Les actes de la conférence qui seront disponibles dans le courant du premier semestre 2012 rendront compte de ses dimensions plus scientifiques. Certains textes seront sélectionnés par un comité de lecture, traduits en français si nécessaire et publiés dans une des revues Caractèresou Lettrure selon leur orientation plus scientifique ou didactique.Après un rapide compte rendu des résultats de la conférence, sous l’angle de la participation, de la question des langues, de la diversité des thèmes, le bulletin de rentrée se poursuit par un entretien mené avec Jacques Fijalkow, convaincu, comme Serge, que la lecture est désormais entrée dans l’arène politique. Ensuite, Nathalie Baïdak aborde la dimension européenne de la Conférence en présentant quelques-uns des résultats de l’étude menée par Eurydice sur l’enseignement de la lecture dans les pays européens, à la demande de la Commission européenne qui a inscrit la littéracie dans ses enjeux prioritaires. Le bulletin se termine par la traduction du poster de Marta Strahinic qui a reçu le Prix pour la Promotion de l’Innovation en Lecture en Europe pour son action en faveur des enfants roms en Slovénie. Elle montre que la politique éducative se construit également lentement mais sûrement à travers des projets locaux.