C’est un numéro richement et abondamment illustré que nous vous proposons et pour cause : il est exclusivement consacré à l’album sans texte et aux traces des expériences de lecture de cet objet artistique singulier. Les quatre contributions explorent en effet les usages et/ou fins didactiques auxquels ces albums aux qualités artistiques étonnantes peuvent se prêter.
Martin Lépine nous fait l’honneur de nous présenter, avec son étudiante Valérie Tremblay-Boudreault, les retombées d’une recherche-action collaborative vécue dans deux classes du primaire, au Québec. Huit albums sans texte ont permis de tisser des liens entre apprentis lecteurs de 1e primaire et lecteurs plus expérimentés de 6e primaire, conduits à mener une conversation créative à partir des images. Le professeur québécois et son étudiante expliquent que cette rencontre entre les élèves a mobilisé la lecture, l’écriture et l’oral et soulignent les effets particulièrement porteurs de ce dispositif collaboratif.
L’interaction entre la lecture, l’écriture et l’oral est également au cœur de la séquence menée par Hannah Jaspert autour de l’album Loup Noir – un des albums exploités par les Québécois – dans une classe de 6e primaire d’une école bruxelloise. En visant le contage de l’histoire à une classe de 1e primaire, la lecture de l’album est l’occasion d’observer et de construire un savoir langagier et ce, via les productions écrites successives par lesquelles les élèves manifestent leur compréhension et leurs réactions personnelles face aux images de l’album. Le comportement inattendu du loup conduit également l’enseignante à mener avec les élèves une réflexion sur les préjugés.
C’est plus précisément l’écriture du texte de l’album qui est visée par l’expérience analysée par Graziella Deleuze. Menée par deux stagiaires dans deux classes de 2e année primaire d’écoles bruxelloises, cette expérience visait à faire rédiger par les élèves le texte de l’album Quand j’étais petit de Mario Ramos. La didacticienne identifie et analyse les obstacles d’apprentissage rencontrés par les élèves et ce faisant, elle confirme la pertinence d’une telle tâche complexe auprès d’apprentis lecteurs-scripteurs. Pourvu que ces obstacles soient suffisamment anticipés par l’enseignant pour permettre aux jeunes élèves de les surmonter, la tâche de rédaction contribue en effet à développer une posture de lecteur-auteur de textes de fiction.
Enfin, nous vous proposons la modeste traduction d’un article de Sylvia Pantaleo qui invite à redécouvrir la notion de « réponse esthétique » de Rosenblatt à travers l’album Là où vont nos pères de Shaun Tan. Les activités didactiques qui y sont décrites et analysées montrent combien il est important d’aider les élèves à accéder à l’univers du langage visuel et à y réagir de manière à la fois affective et critique. Pour découvrir un superbe booktrailer réalisé à partir des planches de l’édition russe de l’album de Shaun Tan, c’est par ici : https://www.youtube.com/watch?v=XsPwicV32cQ
Qu’il s’agisse de converser à partir d’un album sans texte, de le conter, d’en rédiger le texte ou d’y réagir, ces témoignages et analyses de pratiques soulignent combien le « récit silencieux » des albums sans texte s’avère propice à déclencher de riches interactions : entre le livre et le lecteur qui en devient co-auteur, ainsi qu’entre lecteurs qui en apprécient les multiples dimensions. Et en guise d’invitation à gouter ces dimensions, nous vous livrons deux chroniques de lectrices d’albums sans texte : Jouer !, dont le voyage photographique peut faire écho à celui de Là où vont nos pères ; et Imagine, dont le pouvoir poétique a également retenu l’attention de nos collègues outre-Atlantique.
Bonne lecture !
Nous vous proposons la modeste traduction d’un article de Sylvia Pantaleo qui invite à redécouvrir la notion de « réponse esthétique » de Rosenblatt à travers l’album Là où vont nos pères de Shaun Tan. Les activités didactiques qui y sont décrites et analysées montrent combien il est important d’aider les élèves à accéder à l’univers du langage visuel et à y réagir de manière à la fois affective et critique.
Cet article analyse les obstacles d’apprentissage rencontrés par des élèves de 2e primaire lors de la rédaction du texte de l’album qui en est dépourvu, Quand j’étais petit (1997), de Mario Ramos.
Menée par deux stagiaires dans deux classes de 2e année primaire d’écoles bruxelloises, cette expérience visait à faire rédiger par les élèves le texte de l’album Quand j’étais petit de Mario Ramos. La didacticienne identifie et analyse les obstacles d’apprentissage rencontrés par les élèves et ce faisant, elle confirme la pertinence d’une telle tâche complexe auprès d’apprentis lecteurs-scripteurs. Pourvu que ces obstacles soient suffisamment anticipés par l’enseignant pour permettre aux jeunes élèves de les surmonter, la tâche de rédaction contribue en effet à développer une posture de lecteur-auteur de textes de fiction.
Un album sans texte pour initier une réflexion sur le fonctionnement de la langue et de nos propres jugements.
Dans un album sans texte, l’image endosse parfaitement la fonction narrative, elle se suffit à elle-même pour raconter l’histoire, transmettre des émotions, faire grimper le suspense et véhiculer un message. « Son observation peut donner lieu à des interprétations diverses car beaucoup d’images évoquent plutôt qu’elles ne «disent», elles donnent à voir plutôt qu’elles ne montrent. » (Deleuze, 2014, p.8)
Les albums sans texte invitent, d’entrée de jeu, le lecteur à construire des sens et des significations à partir des indices visuels présents dans les images. Le lecteur, de façon consciente ou inconsciente, se retrouve à jouer, en quelque sorte, le rôle de l’auteur et à inventer le texte du récit qui accompagnerait les illustrations. Qu’arrive-t-il donc, d’un point de vue didactique, si l’on utilise en classe des albums narratifs dont la dimension textuelle ne fait plus partie intégrante de l’œuvre littéraire ? Comment créer, par une approche collaborative, une triple rencontre entre des images et du texte, entre de la lecture, de l’écriture et de l’oral ainsi qu’entre des élèves de 1re année et de 6e année du primaire ? Le projet de recherche-action détaillé ici présente un dispositif didactique vécu à partir d’albums sans texte dans deux classes d’une école primaire de la ville de Sherbrooke, au Québec.